- Julie Simonitti
Accepter ses problèmes
En quoi les problèmes que nous rencontrons avec nos chevaux reflètent nos luttes intérieures?
Le comportement de notre cheval dépend de ce que nous ressentons et de ce que notre langage corporel laisse transparaître, même malgré nous.
Parfois (souvent?) notre volonté n'est pas en accord avec ce que notre corps exprime; or notre cheval agit en fonction notre intention, de notre énergie et de notre état d'être, pas en fonction de nos mots ou de notre volonté consciente.
Afin que notre volonté et notre intention profonde soient en adéquation, il est nécessaire de faire un travail de prise de conscience de nos schémas de pensée.
Nos croyances, nos réflexes de protection ou les situations similaires auxquelles nous faisons face encore et encore... nous appartiennent-ils vraiment? Ou sont-ils le fruit des expériences douloureuses de notre passé, sans lien avec ce que nous vivons dans l'instant présent?
Dans ce cas, nombre des incompréhensions et frictions que nous rencontrons aujourd'hui avec notre cheval ne seraient pas tant le fruit de la personnalité de ce dernier, que de nos perceptions et interprétations provenant de nos expériences passés non assimilées.
Nous, cavaliers, avons l'incomparable chance de côtoyer des animaux ayant le pouvoir de nous transporter, physiquement et spirituellement. Contrairement aux relations humaines, les actions du cavalier ne sont pas passées au filtre de l'ego du cheval. Celui-ci agit en réaction à ce que vous êtes profondément, pas à ce qu'il croit percevoir en vous à la lumière de ses traumatismes antérieurs, ni par rapport à l'image que vous tentez de montrer au monde. Les humains sont peut-être dupes de votre sourire ou de votre assurance affichés; mais les chevaux ne les voient même pas.
Une cavalière me confia un jour sous le coup de l'émotion, que même son cheval ne lui permettait pas d'être elle-même. Elle traversait une période difficile de sa vie, professionnellement et dans sa vie privée et son cheval montrait un comportement de plus en plus distant et irascible vis à vis d'elle. Elle souffrait dans sa vie quotidienne et espérait une certaine forme de consolation en venant voir son cheval; et celui-ci la renvoyait assez vertement dans ses retranchements.
Je lui dis qu'à mon avis, même si la terre entière se mettait à la rejeter, son cheval serait toujours le seul être à ne l'accepter QUE pour ce qu'elle était vraiment.
Seulement, à force de serrer les dents et se conformer à ce que son patron, son conjoint ou ses parents attendaient d'elle, elle accumulait de la colère et de la frustration, même cachés derrière un sourire. Quand elle arrivait à l'écurie, son cheval ne voyait que colère et frustration et évidemment, trouvait plus sage de s'en éloigner, montrant si besoin de l'animosité quand elle insistait pour l'approcher et le manipuler. De plus, si celui-ci montrait le moindre signe de résistance ou de désobéissance, elle entrait immédiatement dans un état d'agressivité et de reproche avancé. Plus elle s'agaçait, plus son cheval l'évitait...Le cercle vicieux s'enclenchait et n'était pas près de s'arrêter.
Quelle solution trouver face à cette situation?
BLÂMER LES AUTRES "C'est la faute du cheval, du patron, des parents, du conjoint, de la coach, de la Terre entière... Personne ne m'accepte comme je suis, je ne suis pas libre de mes choix, je suis si seule, personne ne me comprend!" La colère, la tristesse ou la peur président alors à toutes vos réflexions et vous analysez toutes les situations que vous vivez à travers ce prisme déformant. Vous ne voyez donc pas la réalité. Vous ne pouvez percevoir que VOTRE vérité, qui n'est pas celle de votre voisin, ni celle de votre cheval. Vous avez été blessé(e) par le passé (comme tout le monde) et vous restez bloqué(e) sur cette idée que vous allez être blessé(e) à nouveau et qu'il faut vous protéger en permanence.
SE BLÂMER SOI S'en vouloir de n'être pas assez comme ci ou trop comme ça et par là, agir par culpabilité de ne pas correspondre à certaines attentes auto-infligées. Vous commencez à faire les choses qui vous semblent être nécessaires pour devenir une bonne personne. C'est souvent une espèce de "fausse gentillesse". Certaines personnes pensent aussi que cela revient à être bienveillant. Pour ne plus avoir de problème ou ne plus vivre de situation inconfortable, une option revient à nier qu'ils existent. Si l'on fait tout ce qui nous paraît juste, alors les autres reconnaîtront bien un jour que l'on est une bonne personne, et nous en seront reconnaissants pour ça. Et en attendant ce jour (qui ne viendra jamais, je préfère clore le suspens tout de suite!), on serre les dents, on renonce à faire ce qui nous porte vraiment. Et on garde ce goût de renoncement et de culpabilité pour toujours...
ACCEPTER Pour accepter (et non s'accepter encore), il faudra prendre conscience que: - le problème ne vient pas de notre environnement mais de notre PERCEPTION de celui-ci; - nous ne pouvons changer les personnes qui nous entourent mais nous pouvons changer la perception que nous en avons et par la suite, nos réactions vis à vis d'elles; - nous pouvons comprendre pourquoi nos émotions désagréables se manifestent ( à la lumière de nos expériences passées) puis apprendre à les accepter pour ce qu'elles sont: des signaux bienveillants de notre mental qui cherche à nous protéger; - enfin, éprouver de la gratitude pour toutes des personnes, situations et émotions désagréables, qui nous poussent à chaque fois un peu plus à prendre conscience de notre vrai pouvoir et de notre liberté. Alors nous pourrons simplement accepter les choses telles qu'elles sont, et pas telles que nous les voyions.
En définitive, accepter cette réalité, c'est commencer par s'accepter soi-même tel que l'on est, sans même une intention de se changer.
Et comme par magie, c'est à ce moment que l'attitude de votre cheval changera parce que vous commencerez à l'accepter tel qu'il est, comme vous vous accepterez alors... mais n'est-ce pas la même chose en fin de compte?
Faire cette démarche de prise de conscience sur soi-même améliorera le niveau technique du cavalier car il permettra à coup sûr de rendre plus claire la réflexion et le sens de l'à-propos de celui-ci quant aux aides à utiliser pour communiquer avec son cheval.
Quiconque commencera à appliquer cette bienveillance à son égard, gagnera en acuité et en clarté, tant à cheval que dans sa vie quotidienne. Et ses progrès équestres rejailliront à coup sûr sur tous les autres domaines de sa vie.
En cela, je suis profondément persuadée que les chevaux sont nos plus grands professeurs car ils savent nous mettre comme nul autre, face à nos vulnérabilités et contradictions, sans jugement.
